Lettre de Philippe à Denise, Bougie, mardi 24 mai 1938
Je ne t’ai pas dit dans ma dernière lettre que je pensais à ta fête (le 15 mai, Ste Denise) et je n’ai pas manqué de le faire. J’ai depuis deux jours des précisions sur la croisière, en voici le programme :
- Port Saïd 3, 4, 5, 6, 7 juin
- Famagouste 9, 10 juin
- Beyrouth 11, 12, 12 juin
- Le Pirée 16, 17, 18, 19, 20 juin
Nous passerons le 27 et le 28 mai à Bizerte, où j’espère trouver une lettre de toi au moins. Ensuite nous irons à Sousse (Tunisie) vers le 30 mai. Ecris-moi là et ensuite à Port Saïd.
Dimanche, j’ai rempli mes fonctions d’officier des sports avec brio mais mon équipe –elle n’avait pas joué depuis deux mois- a été battue quand même après avoir dominé pendant la première partie du match.
Lundi, j’étais de garde et je n’ai rien fait d’intéressant à te raconter.
Aujourd’hui, je suis allé en excursion aux environs de Bougie. Nous sommes partis en voiture le plus haut possible dans la montagne et ensuite, nous avons terminé à pied.
De l’endroit où nous étions (1000 mètres), on avait à pic le rivage et l’on voyait toute la rade et les montagnes de Kabylie qui l’entourent ; sur certaines, il y avait encore un peu de neige. Ensuite, nous sommes descendus à la vallée des singes (le plus fort, c’est qu’il y en a et je soupçonne fort le syndicat d’initiative de les avoir achetés à un cirque de passage) et nous sommes rentrés à bord. Pendant l’excursion j’ai cueilli deux fleurs que je t’envoie : l’une est un petit iris que j’ai trouvé très joli.
En revenant à bord, j’ai pris mon costume de bain et je suis allé me baigner. Il y avait ce soir un bal organisé par les Dames de France[1] mais comme je n’étais pas obligé d’y aller, je suis resté à bord –et pourtant, maintenant, je voudrais parfois danser, mais avec toi. Demain après-midi, réception à bord, je tâcherai d’en éviter la plus grande partie… et à 8 heures du soir, nous partirons…
Il est possible que je fasse une assez chic excursion à Beyrouth car il y en a de prévues et j’en organise une en ce moment pour les hommes aux ruines de Baalbek –et d’autre part, il y aura des avions à notre disposition (pour 20 officiers) pour aller à Palmyre
J’espère que tu me donneras des nouvelles de ce que tu as fait à Toulon depuis mon départ. Est-ce que les caisses sont arrivées et en as-tu fait ouvrir ? Est-ce que tu as assez d’argent ?
[1] Association des dames françaises (1879-1940): fondée en 1879 pour "la préparation et l'organisation des moyens de secours qui, dans toute localité, peuvent être mis à la disposition des blessés ou malades de l'armée française". - Une scission se produisit en 1881, dont les dissidentes formèrent l'Union des femmes de France. - Reconnue d'utilité publique en 1883. - Une de trois sociétés qui formaient la Croix-Rouge française avant 1940