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De si longues Fiançailles
13 juillet 2021

Lettre de Denise à Philippe, Clichy, jeudi 3 février 1938

Je ne veux pas que tu trouves en arrivant au Havre uniquement ma lettre d’hier. J’étais agacée de toutes les histoires qui m’entourent et j’ai peur que ça t’ait rendu triste. Je t’assure, Phil, que je voudrais penser seulement à toi. Mais si tu étais dans un asile d’aliénés, pourrais-tu penser à ton aise ?

Ce soir, il y a une raison supplémentaire pour se réjouir. Le beau-frère de Madeleine, un pauvre type à moitié aveugle, vient de télégraphier qu’il arrivait demain matin. Il va essayer, je pense, de l’emmener avec lui[1], mais ça nous promet encore quelques jolies scènes. En plus de cela, je crois que c’est demain qu’elle quitte (l’hôpital) Beaujon, alors il faudra courir au Vésinet pour la retrouver.

Phil, est-ce que nous inviterons souvent les « aimables cousins » de mes parents quand nous serons mariés ?

Je ne veux plus parler de cela. Aujourd’hui j’ai acheté des tas de choses « pour nous ». Une brosse à habits, une brosse pour les cheveux en baleine, une brosse pour le bain pour toi. Tu sais, avec un très long manche pour qu’on puisse se brosser le dos !

brosse a habits

Une corne à chaussures ! Une passoire, un bouille-lait[2] (je n’avais pas oublié) et enfin, deux amours de coquetiers, en faïence genre ancien, avec de petits paysages romantiques, et d’une forme très originale. Avec les petites soucoupes assorties. J’aurais bien voulu en acheter quatre, mais c’était un peu cher –et je n’ai plus guère d’argent pour l’instant. Il y avait aussi des petits pots à lait pareils. Mais tu verras les coquetiers, c’est adorable !

Coquetier

 

Il faut que tu arrives très vite pour voir toutes ces nouvelles choses que j’ai. La grande malle en osier est déjà pleine de linge et le bonheur du jour déborde également d’affaires à nous.

Dans deux mois, nous serons mariés. Je n’arrive pas à le croire, et, d’un autre côté, ça m’affole, parce que j’ai peur de n’avoir pas le temps pour tout préparer. J’ai mis devant moi les petits coquetiers dans leur soucoupe et je nous imagine à Toulon, en train de manger des œufs à la coque…



[1] Madeleine Esnos, alias « Minnie », cousine à la mode de Bretagne de Denise, qui a été recueillie à Clichy par Julie depuis de nombreux mois, a accumulé les frasques et il est urgent qu’elle soit reprise en charge par sa famille, constituée d’une sœur et d’un beau-frère vivant en Gironde, à St Symphorien.

[2] Appelé aussi « anti-monte-lait ».

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