Lettre de Philippe à Denise, à bord du Vautour, 6 mai 1938
Les événements se précipitent : Philippe est passé par Paris le 27 avril chercher Denise puis le couple a quitté la capitale, très vite, pour Toulon, où ils ont trouvé une maison en catastrophe, dans le quartier du Mourillon. Début mai, Philippe monte à bord de son nouveau bâtiment, le Vautour, et se prépare à une longue mission de deux mois en Méditerranée… !
Je n’ai pas eu une minute de libre de toute la journée et je peux juste, avant le diner, t’écrire un mot que Chancogne[1] portera à la poste en retournant à terre ce soir –car demain, il n’y aura pas de service de vaguemestre.
J’étais triste ce matin et je le suis encore. J’ai envie de pleurer et c’est bête quand on est un grand garçon –mais j’ai tant de peine. Toute la journée j’ai travaillé et pourtant, à chaque instant, je pensais à toi. Je ne vis que lorsque je respire ton souffle. Il faut que tu sois courageuse parce que je le serai aussi, mais si je sens que tu as le cafard, alors, je ne pourrai plus tenir. On peut avoir du courage, même si on a beaucoup de peine, en pensant à mon retour, à ce que nous ferons ensemble, à nous y préparer.
P.S. : s’il te plaît, écris à mes parents –juste une carte- ce soir, je n’ai pas le temps de le faire.
[1] Chancogne était sans doute le vaguemestre de bord. Ce nom de famille est particulièrement porté en Dordogne et il existait également une branche installée en Algérie.